• e-atelier novembre 2015

    Imaginez une nuit particulière, son ambiance, ses bruits, ses odeurs. Décrivez.

     

    L’INTRUSE

     

    Il pleuvait encore. Les rues étaient brillantes et désertes. Il n'y avait que lui et cette musique de Fat Freddy's.

    « I'm gonna keep on runnin' »

    Et la fumée qu'il soufflait, et les gouttes glacées qui lui fouettaient le visage. Il effleurait à peine le bitume au rythme régulier de celui qui n'a d'autre but qu'avancer.

    Il était cinq heures, et pour lui, ces derniers temps, Paris ne dormait jamais. Il le subissait le jour et le poursuivait la nuit. C'était mieux la nuit. Les éboueurs avaient toujours une connerie à dire et les chats se laissaient caresser. Et puis il croisait les fêtards, les noceurs, les barathoniens et les filles de joie. Il était le seul cette fois à avoir une bonne raison de marcher dans le froid en écoutant cette musique en boucle.

    « I'm gonna keep on runnin' ».

    Depuis qu’elle dormait dans son lit, lui ne dormait plus. Elle prenait toute la place, se tournait et se retournait. Elle lui donnait chaud ou prenait toute la couette. Elle ne ronflait pas, elle bourdonnait ou sifflait ou grinçait des dents. Elle lui mettait des coups de talons quand il commençait à rêver, parfois des coups de coudes. Elle parlait aussi, trop souvent. Surtout quand il s’exilait sur le canapé. Sa voix le poursuivait, ses soupirs, ses râles, comme si elle tenait à tous prix à l’empêcher de quitter le monde des conscients. Elle le rejoignait même parfois, ne supportant pas la solitude d’un grand lit froid. Elle s’endormait sur lui comme s’il était un matelas, et bavait. Le canapé était trop mou, et elle trop lourde.

    « I'm gonna keep on runnin' »

    Ça faisait une semaine qu'il la fuyait. Elle et la privation de sommeil qu'elle engendrait. La première de toutes les tortures. Celle qui suffit à faire craquer les plus faibles. Les innocents avouent tout la nuit. Pourtant elle n’avait rien à lui faire dire. Son seul but ne pouvait être que le rendre fou. Et elle n'était pas loin de l’atteindre. Toutes sortes de pensées lui remplissaient le crâne, se jetaient contre les parois et rebondissaient sans cesse. Impossible de résoudre un problème puisqu’il s’en créait de nouveaux, en continu. Chaque minute éveillée était un supplice. Le chemin vers la folie est douloureux, l’esprit se rebelle, il veut trouver toutes les solutions, garder sa conscience. Il errait entre deux univers, hésitant entre lutte et reddition.

    « I'm gonna keep on runnin' »

    Depuis sept nuits, à bout de forces, incapable de s’en débarrasser, il la fuyait. Il se retrouvait dans la rue, marchant sans autre but que s’épuiser. Il oubliait qu’elle l’empêchait de s’oublier. Il reprenait le contrôle. Ce n'était plus à cause d’elle qu’il ne dormait plus. C’était le froid, le vent, la pluie. Elle ne pouvait plus l’atteindre physiquement, et cette musique protégeait son esprit.

    « I'm gonna keep on runnin' »

    Il espérait qu’elle comprenne d’elle-même et qu’elle parte avant de l’anéantir, qu’elle disparaisse. Pas d’affrontement, ni retour, seulement quelques bons souvenirs.

    Il savait qu’en rentrant chez lui, il s’écroulerait, quoiqu’elle fasse. Il s’écoulerait un ou deux tours de cadran, le jour reprendrait ses droits, et ça recommencerait tant qu’elle serait là.

    « I'm gonna keep on runnin' »

    De jour comme de nuit, trop peu de répit, il n’arrivait pas à se débarrasser de son insomnie.

     

    TiF

     

    Je me suis joins en cette fin d’après midi de septembre à un groupe d’une douzaine de personnes invitées comme moi, à une randonnée nocturne découverte. Le co-voiturage mis en place, les sacs à dos remplis de café ou de tisanes bouillants, de lainages, de casse-croutes, déposés dans les coffres, nous roulons entre St. Laurent du var et Nice avant de virer vers le col de Vence. Les quatre voitures se suivent sur cette route qui se rétrécit au fur et à mesure de l’ascension.

    Quelle raison me pousse à suivre ce groupe dont je connais quelques uns, des membres pour être des amateurs de phénomènes dit paranormaux. Nous sommes renseignés avec précision lors du regroupement au village de Coursegoules par deux des organisateurs de la rando, dont un du G.E.P.A.N. : organisme chargé à l’époque de recenser et analyser les témoignages o.v.n.i. Nous allons donc vivre une soirée de veille sur les pentes du col avec pour objectifs de décrire ce que nous pourrons voir.

    Garés au sortir du hameau de St. Barnabé, nous poursuivons à pied la route vers le col. Dans la pénombre qui commence à assombrir les lieux, nous prenons nos positions dans la garrigue dénudée par les fortes chaleurs de l’été, au milieu de pierres et de pierrailles, là ou l’herbe sèche et les buissons ras adouciront malgré tout, le dos et les fessiers.

    Nous faisons face au sud-ouest, jumelles, lampes et victuailles à portée de mains. L’obscurité s’épaissit et la brise qui circule, porte aux narines ce mélange prenant d’odeurs de pierres surchauffées, de thym, de romarin. Les rares arbres ou buissons rabougris s’estompent dans ce noir propre aux endroits sans pollution lumineuse, et les étoiles s’allument petit à petit.

    L’excitation monte chez chacun aux récits des observations narrées par les membres du groupe  "lumières intenses en triangle qui se déplacent puis disparaissent, passages de vaisseaux de formes diverses, boules de lumière aveuglante semblant rebondir sur des collines, traces au sol… etc. Mais aussi des avertissements sur les cas les plus courants, d’erreurs…" "ballons météo, réflexion des phares de voitures sur une couche de nuages, éclairages laser…Vient l’heure du casse-croute, à la lueur des lampes, échange de mets, de recettes, de blagues dans des fumets de rosé de Bandol, mariage heureux avec les derniers relents de garrigue.

    Il est 22h 30 et le silence s’impose, difficile à respecter, il y a tant à raconter avant de voir. Les uns dorment, les autres veillent, passage de satellites, survols d’avions, les diversions ne manquent pas.

    A quatre heures trente l’alerte est donnée… vite on se frotte les yeux avant de saisir les jumelles pour observer, vers l’ouest à quatre ou cinq km de distance, plusieurs boules à la luminosité intense, trois petites et une grosse immobiles, puis qui se déplacent, de gauche et de droite rapides zigzagantes avant de disparaître, après cinq minutes. Dans le même temps nous ressentirons sous nos pieds, des vibrations, et se feront entendre des bruits sourds, venus des profondeurs, dans un air devenu oppressant. Tout ayant cessé, les commentaires et les langues vont bon train, embrouillées parfois par l’excitation.

    Nos spécialistes calment les esprits, les bruits ont déjà été enregistrés sur les lieux, des passages d’objets volants aussi le col est réputé pour être un couloir d’ovni, mais jamais les deux phénomènes de manière conjointe. Avions nous vécus une liaison intra et extra terrestre? Dans tous les cas, nous avions fait provision d’émotion pour une vie.

    Gérard

     

    Le vacarme s’est couché avec le soleil, c’est l’heure des bruits minuscules.

    Les craquements infimes, les plaintes inaudibles, les grincements timides.

    Chaque son épaissit le silence, le feutre un peu plus.

    Arbres et animaux sont conscients de cette laine épaisse à ne pas abîmer.

    Elle est un cocon où se lover durant les sombres heures, un édredon tissé des mille bruits de rien et du noir de la nuit.

    Je comptais faire, comme ceci et sur toute la page, un texte de colline. Un texte d’été et de lueurs nocturnes, d’étoiles constellées, de milliers de parfums nous appelant à vivre. Un texte de garrigue, avec des notes graves de grenouilles et crissantes de grillons, une nuit d’harmonie, et de paix et de sourires. Une nuit méditative où tout serait le centre et le centre, le Tout. Mais la nuit a brûlé et explosé de rage.

     

    Nous étions six à boire et trois sont morts.

    Nous étions six à bord, et trois dans le noir,

    Nous étions six d’espoir, plus que trois dans l’encore,

    Nous étions six à boire et trois sont morts.

     

    Flore

     

    noctis

    je regarde par la fenêtre la fenêtre a des barreaux les rais de lumière inondent les coins de la pièce c’est une obscurité qui s’éternise dans les bords frangés de la luminescence la nuit est mon geôlier il braque ses yeux sur moi il m’empêche de me mouvoir et de m’émouvoir les griffes du geôlier sont acérées : c’est la nuit où la belle au bois dormant s’est enfuie…

    la nuit est là elle arrive elle est tapie au fond de mon muscle cardiaque tout est noir cotonneux déliquescent insaisissable immodeste : elle manque de modestie ma nuit elle me prend par surprise même en plein jour quand les idées noires s’abattent sur mes épaules comme une volée d’étourneaux elles m’étourdissent les idées noires une spirale qui m’emporte dans la grotte des esclaves…

    je voudrai peindre ma nuit pour vous la faire comprendre mais qui m’aidera à tenir le pinceau géant dégoulinant d’encre épaisse comme le sang pour la tracer jusqu’au ciel en faire un tremplin jusqu’au étoiles attirantes comme un nageur nu dans la rivière des songes…

    la nuit n’est pas douce je ne chante pas « douce nuit » j’entends au lointain un requiem une marche funèbre un «  kirié éleïson » ma nuit n’est pas votre nuit ma nuit est solitude cauchemar attentes fièvre trainées de boue douleurs inconscience flaques de peintures incolores papier absorbant qui assèche les teintes nocturnes

    ma nuit est nocturne diablesse enchantant les ruisseaux nauséabonds où s’épanchent sans vergogne les malheureux aveugles et sourds aux beautés intransigeantes que nous ont offertes les immortels…

    niqol

     

     

    Une Nuit particulière.

    Veille du Défilé du 14 Juillet. Je les ai filmés 22 fois. Depuis 1992, j’ai vu 4 Présidents. Des Présidents en Gros Plan.

    ….

    La Nuit du 13 Juillet est la pire. Je sais que je dois être aux taquets à 6h00 du matin, Place de la Concorde. Je me couche au plus vite, vers 10h00, je programme le réveil à 5h00.

    J’ai la chance d’habiter près de la Caserne des Pompiers. J’ai dit « chance » s’il y a un feu, charivari total s’il y a un Bal.

    La Nuit du 13 Juillet, je me réveille dix fois.

    Les bouteilles fracassées. Les ivrognes qui hurlent. Les bidasses en folie. Les pétards, la furie dans les poubelles de l’immeuble, caisses de résonance. Les gamins sont ravis. Des badaboum gratuits, c’est la guerre. Ils se poursuivent et crient. Ils chantent, ils font du bruit. Les gamins aiment le bruit, la folie, et la guerre, ils aiment le 13 Juillet.

    Et moi, je le déteste.

    Vers deux heures du matin, un instant d’accalmie.

    Là, c’est moi qui prends peur. J’ai, tenaillée au ventre, la frousse de ne pas me réveiller. Le réveil ne va pas sonner. Je serai en retard. Je vais rater le métro. Ils vont me chercher. Ils vont m’engueuler. Ils ont besoin de moi, je n’ai pas assuré, je me suis rendormie.

    Commence un processus détestable, le grand trou dans la poitrine. Un trou où je me perds et qui me fait souffrir. Je tombe dans le trou. Je crois que je m’endors, mais je suis éveillée. J’écoute le dehors. Je laisse le store ouvert pour voir le soleil se lever. Mais la nuit est bien noire, bien éteinte, moi, je suis persuadée que le jour s’est pointé. Je me lève, je m’approche de la fenêtre, il est 3 heures, je peux dormir encore. Si encore, je dormais !

    A 4 heures, je tombe de fatigue et je m’endors vraiment, profondément. Je fais des rêves chagrins. C’est la fin du monde, le début de la guerre, c’est l’exode, je suis sur les routes avec mes deux enfants, j’en tiens une dans les bras, l’autre marche lentement, on nous attaque, on nous bombarde, les Allemands, on plonge dans un fossé. Une alarme retentit !

    C’est ma nuit qui finit. Le réveil a sonné. Je me lève angoissée.

    Je serai bien à l’heure. J’ai seulement l’impression que je n’ai pas dormi. Je me sens éreintée, j’ai couru toute la nuit. J’ai sauvé ma famille, j’ai battu les Allemands, vu passer des armées, des chars, des camions blindés. Tout ce que j’aurai dans mon viseur de caméra dans deux heures, je l’ai vécu cette nuit…

    Vive l’Armée ! Vive la France ! Mais laissez-moi en Paix !

     

    Logette


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